Anne-Lise Broyer

Anne-Lise Broyer poursuit depuis plus de 20 ans un travail photographique singulier pouvant se résumer comme une expérience de la littérature par le regard en nouant très intimement lecture et surgissement d’une image, écriture et photographie. Elle questionne également les zones de frottements et d’intersection entre la photographie argentique et le dessin à la mine graphite directement sur le tirage afin d’atteindre une zone de trouble dans la perception. En mariant ces deux gestes, en reliant l’œil à la main, c’est une nouvelle langue qui s’invente.

 

Anne-Lise Broyer © Damien Chatagnon

Ici l’instant se hume en parfum*

Dessin à la mine graphite sur tirage argentique.
Tirage effectué par Guillaume Geneste (La Chambre noire, Paris) sous le contrôle de l’auteure sur papier Ilford mat 5k, à partir d’un internégatif résultat de l’assemblage de 4 prises de vue réalisées en Champagne dans les parcelles Roederer en juin 2023.
80×120 cm
31 1/2 x 47 1/4 in
2024
Pièce unique

« Le mot « vin » donne sur un si vaste univers qu’affleure en le prononçant une suite de sensations.

Tout part d’un paysage, d’un sol, d’un climat, d’un assemblage, d’un savoir-faire. L’intangible se déploie drapé de concret.

C’est ce paradoxe que j’ai voulu traduire. Ouvrir des mondes à partir de petites parcelles. Les assembler, les associer, les relier par la main. Jouer la carte (difficile) de la figuration et de la représentation presque documentaire d’un territoire mais l’emmener vers son écho cristallin, un point de bascule ramenant à la surface sa vibration sous-jacente. Cet espace, l’ouvre, crée suite et durée, sens et désir de perception… le dessin au crayon de bois ralentit l’apparition de l’image et en aiguise l’attente. Cette superposition des matières dérègle l’image, la double et laisse s’échapper des impressions comme de brusques condensations de sens, comme la forme rêvée d’un rêve.

Le crayon, l’assemblage des vues, font tendre la matière vers une onctuosité suturant le lointain et le près dans une évaporation des contours, dans un évanouissement phénoménologique des frontières, un passage progressif de ce qui se voit à la révélation de ce qui se hume, se boit, se ressent ».

* un vers de Mohammed Bennis, tiré de « Vin », poète marocain.